Un peu d'histoire

"Dans ce petit bourg des environs de Limoges, aucun vestige de l’Antiquité n’est apparent"

Une petite église avec sa place, un cimetière et beaucoup de maisons nouvelles qui se construisent. Les creusements des fondations de ces lotissements firent apparaître une multitude de fragments d’amphores et de tessons de céramique, attestant la présence d’un site archéologique.

Une collaboration efficace et une bonne gestion de l’espace donnent à une fouille de longue haleine la possibilité de se dérouler sans entraver le développement du village. Cette recherche systématique, dirigée par Guy Lintz, permet peu à peu d’appréhender l’histoire d’une ville protohistorique qui fut peut-être la capitale des Lémovices, peuple gaulois qui occupait l’actuel Limousin.

C’est à la fin du IIIème – début du IIème siècle av. J.-. que les Gaulois s’installent sur cette zone bordée d’une rivière. Aucun rempart ne protège l’agglomération qui s’étend sur plus de dix hectares. Pendant plus d’un siècle la capitale va prospérer, avec des activités artisanales diverses telles que la métallurgie du bronze et du fer, la poterie et autres activités habituelles dans ce type de communauté.

Une zone particulière semble dévolue à une activité liée à l’eau, comme en témoignent de grandes cuves creusées dans l’argile ou recouvertes d’argile. Rien ne permet d’associer des installations à un métier particulier, sauf en relation avec le bois, qui avant d’être travaillé était mis à tremper. Une spécialité pouvait être la fabrication de pixydes, des petites boîtes en bois fabriquées suivant le même principe que les boîtes de camembert. Plusieurs rondelles et de nombreux fragments de bois furent découverts sans que l’on sache encore ce qu’ils pouvaient contenir.

La prospérité de la ville se devine dans la quantité colossale des restes d’amphores qui parsèment l’ensemble du site. Chaque campagne de fouille, qui couvre environ 1500 m², livre en moyenne les restes de 300 amphores fragmentées ou entières.

Partout présentes, elles témoignent de la quantité impressionnante de vin consommée sur le site. Quand on connaît le poids du contenant et du contenu, ainsi que le chemin qu’elles ont dû parcourir, d’abord sur la mer Méditerranée, ensuite jusqu’à Toulouse avant d’atteindre enfin le Limousin, on devine que l’importation de vin représentait des dépenses énormes et que les habitants devaient posséder les moyens de s’offrir le luxe d’une telle consommation.

Les Lémovices furent les plus grands producteurs d’or de la Gaule. Les filons aurifères furent exploités systématiquement et permirent de produire d’énormes quantités de minerai. Les Gaulois aimaient l’or, pour leurs bijoux et pour leurs monnaies. Curieusement, les Lémovices frappèrent peu de monnaie en or, comme si tout l’or sortait de leur territoire. Une partie n’a-t-elle pas été consacrée à l’achat du précieux breuvage ? Un choix de vie de populations préférant la fête à la thésaurisation.

Vers 70 av. J.-C., le village est abandonné. Ce n’est pas une de ces désertifications qui se font peu à peu avec le départ des habitants parce qu’il a perdu, pour une raison ou pour une autre, son attrait, c’est le fait d’une décision politique. Les puits sont systématiquement comblés, les vestiges suggèrent le départ planifié d’une population. Guy Lintz émet l’hypothèse d’un départ organisé vers Villejoubert, oppidum fortifié à 40 kilomètres de SaintGence. Un des plus grands éperons barrés de Gaule, couvrant près de trois cents hectares, protégé par un murus gallicus. Changement de situation politique, volonté d’un autre type de site. Un tel phénomène démontrerait un pouvoir politique suffisamment puissant pour déménager une capitale, obliger les familles à abandonner leurs maisons, changer leurs habitudes. Le Limousin va devenir romain. Villejoubert sera abandonné, une population retournera à Saint-Gence reconstruire des maisons, recreuser des puits et recommencer à vivre sur ce lieu dont elle avait gardé le souvenir. Ce désir de revenir dans son ancienne ville ne résistera pas au système romain, qui décide de créer Limoges, sur un gué de la Vienne.

La ville gauloise disparaîtra à tout jamais et ce n’est qu’au Moyen Age que des habitants créeront une petite bourgade. Un peu à l’écart du village, une grande ligne d’arbres forme un arc de cercle. Elle surmonte une énorme levée de terre qui s’avère être les restes d’un grand rempart limitant une zone de 4000 m², protégée au nord par une forte déclivité. Un espace qui semble contemporain de la période de prospérité de la capitale gauloise. Grande zone cultuelle, zone aristocratique, aucune fouille n’a encore pu répondre mais, certainement, un lieu important dans l’histoire des Lémovices. Les fouilles des grands habitats gaulois sont longues, parfois fastidieuses, pas toujours spectaculaires, mais c’est à ce prix que nous appréhendons chaque jour un peu mieux la civilisation gauloise.


Par Frédéric Lontcho


Chargement...